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Comment vivre le décès d’un enfant ?

Comment vivre le décès d’un enfant ?

 

    Qui dira la mort d’un enfant ? Cet élan brisé nous atteint tellement nous-même et ouvre en nous une blessure vivante, une interrogation infinie. Mais pourquoi cette mort nous touche-t-elle tant ? S’il n’est plus, comment l’enfant parle-t-il encore à notre cœur, à notre intelligence ? Serait-ce seulement la mémoire de ce qu’il était ? Ou plutôt, n’est-il pas encore ? S’il n’est pas, s’il n’est plus, comment se fait-il que j’éprouve la douleur d’une séparation, de sa non-présence ? N’est-il pas vrai qu’il est quelque part vivant, pour toujours ?

    Il avait commencé de vivre, d’être indépendamment de moi et si près de moi. N’est-il plus rien ? Dominique nous a quittés tout d’un coup - un accident à l’âge de six ans. Par quel bond prodigieux a-t-il atteint l’éternité ?
    Quand je me tourne en arrière, encore aujourd’hui, je revois son visage, et sa vie ; sa vivacité, ses questions ; il trouvait d’ailleurs souvent lui-même une réponse à la mesure de son âge avant que je ne sois parvenu à formuler ce qu’il pourrait comprendre.
    Un jour, avant même sa naissance, j’ai trouvé un texte dans la Bible qui disait : “ Devenu agréable à Dieu, il a été aimé, et comme il vivait parmi les pécheurs, il a été transféré... Devenu parfait en peu de temps, il a fourni une longue carrière, son âme était agréable au Seigneur, aussi est-il sorti en hâte du milieu de la perversité. Les foules voient cela sans comprendre, et il ne leur vient pas à la pensée que la grâce et la miséricorde sont pour ses élus et sa visite pour ses saints... ” (livre de La Sagesse, chap. 4, v 10 à 15) J’ai lu ce texte à la messe des funérailles. Il y a là une porte ouverte sur le mystère mais le mystère tout entier ne nous sera révélé qu’au Ciel, quand nous nous verrons face à face avec Jésus.

    D’autres paroles de l’Écriture sont venues nous donner l’espérance de Dieu. Quand sa mère et moi, nous nous sentions submergés par la tristesse, nous essayions de le voir lui, où il était : “ Il suit l’Agneau partout où il va… ” (Livre de l’Apocalypse, chap. 14, v 4). L’espérance ne supprime pas la peine mais ce don de Dieu nous ouvre à l’avenir. Devant nous, au milieu de nous, le Ciel s’est ouvert. Rien n’est plus comme avant, dit-on ; non la vie n’a plus le même sens, car nous marchons désormais sur le chemin du Ciel. Nous savons quand nous allons communier qu’il est avec Jésus et nous nous rapprochons de l’enfant quand nous nous rapprochons de l’Amour. Rien ne peut diminuer la peine mais la peine n’a pas victoire sur nous.

    Pourquoi est-il mort ? Dans un cas similaire, un enfant parlant à son frère de celui qui les avait quittés disait : “ Jésus est méchant ! Il a fait mourir notre frère. ” Mais le petit, de cinq ans à peine lui répondit : “ Non, ce n’est pas Jésus qui l’a fait mourir, c’est le démon. Mais Jésus est venu et il l’a pris dans le Paradis. ” Qui peut inspirer cette réponse à un enfant ? Mais aussi, qui peut vivre sans être confronté à la mort ? Nous ne vivrons pas toujours : le confort, le bonheur familial, les distractions ou les plaisirs peuvent occuper notre présent et masquer nos interrogations profondes. Mais la mort qui nous atteint de si près dans un enfant, un être aimé, un ami, ouvre comme une déchirure dans un univers artificiellement fermé.
    Non, tout n’est pas ici. Il y a un ailleurs, un au-delà où Dieu appelle ceux qu’il aime ; et il aime tous les hommes. Cet au-delà est déjà présent pour moi, je tourne les yeux vers l’enfant qui “ suit l’Agneau partout où il va ”.

 

Après le départ d’un proche, comment “ faire son deuil ” ?

 

    Accepter le départ de quelqu’un, accepter sa mort, ne va pas de soi. Face à la mort d’un proche, un travail sur soi est à faire, qui demande du temps. C’est tout un chemin qui nous fait parcourir, chacun à notre manière, plusieurs étapes : du refus à l’acceptation paisible, en passant par la révolte, le marchandage, la dépression. De tout deuil nous pouvons faire une source de vie.

Apprendre à perdre

    Dans ce qu’il est convenu d’appeler le “ travail de deuil ”, on peut voir cinq étapes. Elles ne jalonnent pas seulement le deuil radical qu’est la confrontation à la mort de l’autre, mais bien des “ petites morts ” que la vie nous impose : maladie grave, séparation, déménagement, perte d’un travail, par exemple. Vivre, c’est apprendre à perdre, à mourir un peu. Si l’on traverse sans difficultés ces petits deuils, les vrais deuils sont abordés avec une plus grande stabilité intérieure. Mais cela dépend de l’histoire de chacun, et de la façon dont il est accompagné. Chaque deuil est unique.

Le déni

    Dans un premier temps se manifeste un déni de la réalité : “ Ce n’est pas possible, ce qui arrive n’est pas vrai, je n’y crois pas…” Ce refus d’accepter la réalité constitue une sorte d’auto-défense devant l’inéluctable. Toute notre énergie vitale s’insurge devant une réalité et prétend la nier. Dans un premier temps, c’est une réaction saine, normale, face à ce qui arrive, mais s’y enfermer, ne pas parvenir à la dépasser peut devenir grave. Une fois le premier choc passé, l’évidence va finir par s’imposer.

La colère

    Le déni passé laisse souvent place à l’expression de la colère, de la révolte. Un sentiment d’injustice apparaît, d’autant plus intense que la mort est inattendue ou les liens avec le défunt étroits : “ Pourquoi lui ? C’est injuste à son âge, dans sa situation. Pourquoi me fait-il cela ? Qu’ai-je fait pour mériter cela ?… ” Cette étape est spécialement difficile à dépasser. Peut-être parce que, confrontés au problème de la mort, et surtout de cette mort, nous n’avons pas de réponse claire, d’explication naturelle. Nous cherchons un coupable : Dieu, les forces du mal, la société, le corps médical, ou nous-même. Ces manifestations agressives ont besoin de s’extérioriser. Elles sont l’expression d’une forte charge émotionnelle qui doit pouvoir s’alléger. La façon dont la personne est entourée, écoutée, réconfortée, compte beaucoup.

Le marchandage

    Le stade de la colère fait place à une sorte de marchandage : “ S’il revivait, tout serait différent, cela ne se passerait pas comme cela, telle étape serait vécue autrement. ” Il s’agit là d’une nouvelle forme de refus de la réalité mais très différente de la première. Elle se raccroche à l’imaginaire pour intégrer ce qui s’est passé mais en imaginant un autre scénario. La personne tente de régler d’anciens contentieux, d’améliorer ce qui a été vécu afin de se
déculpabiliser.

La dépression

    Dans la majorité des cas, le travail de deuil passe ensuite par une phase de dépression. Chagrin, découragement, repliement sur soi, marquent cette étape. L’évidence s’est imposée et ses conséquences apparaissent concrètement : soucis familiaux, solitude future, difficultés financières, démarches administratives, etc. De nouveau, la qualité de présence de l’entourage est déterminante pour surmonter cette phase de dépression.

L’acceptation

    La dernière phase du travail de deuil est celle de l’acceptation pacifiante. Les grands combats sont passés, les tempêtes apaisées. On s’autorise à vivre sans l’absent et on peut réapprendre à vivre. L’absence est réelle mais elle n’est pas totale. Une autre relation avec le disparu s’instaure. La restructuration intérieure s’achève. De temps à autre, l’émotion peut ressurgir mais ce n’est plus un flot qui submerge tout sur son passage.

Donner du temps au temps

    Dans notre monde de l’instantané et de l’éphémère, on voudrait se “ débarrasser ” de la souffrance le plus vite possible. Mais le processus de guérison prend du temps. Négliger ces différentes étapes, c’est risquer de gommer la mort par des paroles trop rapides : “ Il est heureux maintenant, il va nous aider. ” Même si elles sont vraies, elles demandent de donner du temps au temps, le temps de mettre en place une nouvelle relation avec le défunt. Tout ce que son départ a bousculé demande un nouvel équilibre. La vie a repris sa place. Et aimer de nouveau, ce n’est pas trahir celui qui est parti.




27/02/2008
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